samedi 19 avril 2014

Les innocents de Jack Clayton (1961)


Avant-propos : En refermant le Tour d'écrou, je m'étais dit que ce serait une oeuvre extrêmement difficile à adapter dans toute sa complexité. Eh bien, je me suis complètement trompée !
Suite à mon billet de samedi, j'ai eu envie de replonger dans l'atmosphère du livre avec le film de Jack Clayton. C'est tout simplement un chef d'oeuvre ! 

Présentation du film : Le film a été réalisé par Jack Clayton (Les chemins de la Haute-ville, Gatsby le Magnifique avec Redford). Le scénario a été écrit par William Archibald (qui l'a adapté auparavant sur scène), Truman Capote et John Mortimer. S'ils ont pris quelques positions fortes (j'y reviendrai), ils ont réussi le tour de force de ne jamais vraiment trancher entre les deux interprétations de la nouvelle de James : on peut y voir des événements fantastiques comme des événements réalistes. 

Mon avis : Dès le départ, j'ai été saisie. Le film s'ouvre sur un écran noir pendant presque une minute où l'on entend juste une voix cristalline s’élever et chanter "O Willow waly". On a déjà des frissons sans même avoir encore rien vu et cette ritournelle va devenir un motif récurrent pendant tout le film. 


On aperçoit ensuite Deborah Kerr (Miss Giddens) en train de prier. C'est le seul petit point qui m'a déplu au niveau du film. Ils ont fait de Miss Giddens une fervente adepte de la religion, ce qu'elle n'est pas dans le livre. 

Le film commence vraiment avec l'entretien de Miss Giddens pour le poste de gouvernante (exit la veillée où l'on se raconte des histoires de fantômes). L'oncle des enfants (Michael Redgrave) explique qu'il ne faut pas le déranger et surtout pourquoi il ne le faut pas : il se revendique comme égoïste et n'a donc pas le temps, ni l'envie de s'occuper des enfants (ce qui n'est pas dans le livre, mais j'y avais pensé comme explication à son comportement). Il lui demande "si elle a de l'imagination" en insistant bien, ce qui peut être important pour une gouvernante(pour éveiller les enfants), mais ce qui prend un autre sens quand on connaît l'histoire... 
Miss Giddens part ensuite pour Bly où elle va rencontrer les enfants et bien d'autres choses encore... 

Le film est tourné en noir et blanc à une période où les films étaient quasiment tous tournés en couleur. C'est donc un choix déterminé du réalisateur de filmer de cette manière et d'utiliser l'opposition entre ces 2 couleurs ainsi que toute la symbolique qui leur correspond. Si au départ, Miss Giddens s'habille en couleurs claires, elle termine habillée totalement en noir. 

Le film réussit à inspirer l'effroi par des effets visuels et sonores extrêmement maîtrisés. Vive les portes qui grincent, les fenêtres qui claquent, les mystérieux courants d'air, les murmures, les cris et la chanson "O' Willow Waly" que l'on entend s'élever souvent de manière inattendue dans une demeure merveilleuse gothique. Là-dessus viennent se greffer des symboles bizarres et angoissants comme une araignée qui sort d'une statue, une poupée de porcelaine dans un lit ou encore un oiseau mort. 

A partir d'ici, il vaut mieux avoir lu le livre, sous risque de spoilers !

Le film va assez loin dans l'hypothèse réaliste. Deborah Kerr est impressionnante. On a vraiment l'impression qu'elle plonge dans la folie au fur et à mesure. Elle est obsédée par la sexualité et imagine que Miss Jessel et Quint ont eu des rapports sans se cacher des enfants. Cela permet d'expliquer le comportement de Miles qui est très aguicheur : il lui dit à plusieurs reprises qu'elle est belle et finit même par l'embrasser. Suite au visionnage, une nouvelle hypothèse de lecture m'a traversé l'esprit : et si la lettre d'expulsion de Miles n'était qu'une invention de la gouvernante ? Quand elle la montre à Mrs Grose, celle-ci répond qu'elle ne sait pas lire. Cela expliquerait aussi le fait que Miles ne sache pas pourquoi il est renvoyé. En tout cas, le film développe l'hypothèse que Miss Giddens s'est arrangée pour rester seule avec l'enfant. 

Mais le film réussit a gardé toute son ambiguïté car l'hypothèse fantastique est aussi indéniablement présente. Les enfants, loin d'être les chers anges impassibles du Tour d'écrou, sont beaucoup plus inquiétants, même si on ne peut tout de même pas trancher entre le fait qu'ils soient maléfiques ou qu'ils aient simplement des jeux un peu spéciaux. La petite Flora prédit par exemple que son frère va venir alors que ce n'était pas prévu (préscience ou coïncidence ?). Elle ne répond pas toujours quand Miss Giddens lui parle et semble ne pas l'entendre comme si elle était plongée profondément dans ses pensées (ou bien est-ce un refus d'obéir ?). En jouant à cache-cache, Miss Giddens accuse Miles de l'étrangler (est-ce un jeu ? est-ce elle qui invente ?). Les exemples sont nombreux et les enfants sont parfois effrayants (les cris perçants de Flora semblent venus d'ailleurs !).

Miss Giddens n'est pas en reste puisque certaines scènes semblent montrer qu'une influence maléfique est à l'oeuvre dans la maison. Les scènes où Quint apparaît font sursauter. L'une de mes scènes préférées est celle où Miss Giddens se retrouve dans le couloir qui mène aux chambres où elle entend des voix, des gémissements et ouvre les portes sans cesse. Un grand moment. 
La scène finale est aussi extrêmement réussie
Spoiler:
Le jeune Miles meurt après une scène terrifiante où elle le poursuit en essayant de lui faire avouer ses mauvaises actions. Mais elle ne le touche pas, il semble s'écrouler victime d'une crise cardiaque ou bien à cause de Quint si on opte pour la vision fantastique
Voici une bande-annonce. Elle est très longue et montre beaucoup de choses. Toutefois, elle permet d'avoir un aperçu de l'ambiance du film. 

En quelques mots : une adaptation comme je les aime ! Si le film prend quelques libertés avec le texte, elle en conserve totalement l'esprit. Avec peu d'effets, le film réussit à créer une atmosphère angoissante. Une réussite totale ! 

Et après ? : J'ai vu (et bien aimé) l'adaptation 2009 de la BBC, mais je la considère quand même inférieure à celle-ci. J'ai aussi apprécié la BD d'Hervé Duphot, même si je trouve que le sort de Miles n'est pas assez clair dans la dernière image. Je viens de découvrir chez Cécile le livre d'A.N. Wilson, Un esprit jaloux qui est dérivé du Tour d'écrou. J'ai vu depuis que Claudialucia l'avait lu aussi. Il est disponible à ma bibliothèque, je pense me laisser rapidement tenter !
Soie, si jamais tu retrouves le titre du livre dont tu m'as parlé dans le billet précédent, je suis preneuse aussi !

6 commentaires:

  1. Mais tu vas devenir une spécialiste ! Merci pour toutes ces références et je vais revoir les innocents car il ne m'avait pas frappé comme film....

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    1. J'aimerai avoir le temps de me consacre à fond à un auteur, mais j'en ai trop qui me passionnent pour cela ! Mais en ce moment, effectivement, je suis dans ma période James :-)
      Je te conseille fortement de le revoir !

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  2. Tu as bien su retranscrire ce que j'ai pu ressentir en voyant ce film. Ah la pettie ritournelle....traumatisante!!

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    1. Oui elle m'a glacée dès le départ ! C'est vraiment un grand film !

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  3. Bonsoir Shelbylee, je confirme. Très grand film avec un beau noir et blanc. Et l'atmosphère est très pesante. C'est un film qui fait peur. Bonne soirée.

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    1. C'est dommage qu'il soit si méconnu (et qu'il ne soit plus disponible en dvd !) Bonne soirée à toi aussi.

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