samedi 15 septembre 2012

Courir de Jean Echenoz

Résumé de l'éditeur : On a dû insister pour qu'Émile se mette à courir. Mais quand il commence, il ne s'arrête plus. Il ne cesse plus d'accélérer. Voici l'homme qui va courir le plus vite sur la Terre.

Avant-propos :  Dans ma famille, nous sommes de grands amateurs d'évènements sportifs et j'ai souvent entendu mon père me parler des exploits d'Emile Zatopek et de sa rivalité avec le français Alain Mimoun. Donc, quand j'ai découvert ce livre chez Matilda il y a quelques temps (son billet), je l'ai automatiquement intégré à ma liste de livres à lire.

Mon avis : J'ai tout simplement adoré ce livre !
Dans Courir, Jean Echenoz nous emmène à la découverte d'un sportif dont le nom n'évoque sans doute pas grand chose à la plupart d'entre-vous et dont la discipline (la course de fond) est l'une des moins médiatisées de l'athlétisme. L'auteur décrit avec minutie le parcours de cet Emile (son nom de famille ne sera cité qu'à la p 93), que rien ne destinait à devenir l'un des sportifs les plus célèbres de son époque. Employé par l'usine Bata, le jeune Emile participe un jour par obligation à une course pour promouvoir la marque. Malgré une technique déplorable, le jeune participant est remarqué car il finit sa course facilement. On lui propose donc de courir et Emile se lance dans cette discipline et découvre avec surprise qu'il y prend du plaisir et qu'il est doué. Il va s'entraîner seul et inventer différents exercices pour tenter d'aller toujours plus vite. C'est lui qui va inventer la tactique du sprint final en demi-fond. Il devient militaire et l'armée va évidemment récupérer ce jeune athlète prometteur. Mais les conditions sont extrêmement difficiles : ces déplacements sont mal organisés, il n'a que la tenue avec laquelle il s'entraîne pour concourir et souvent il doit expliquer qu'il est effectivement un coureur engagé. Malgré cela, il va réussir à battre quasiment à chaque reprise le record de Tchécoslovaquie puis à remporter toutes les courses auxquelles il participe. Jusqu'au point culminant de sa carrière, les Jeux Olympiques d'Helsinki en 1952, où il remporte 3 médailles d'or (5 000m, 10 000m et marathon), exploit encore inégalé à ce jour sur ces 3 distances. Zatopek ne corrigera jamais son style, reconnaissable entre tous (tête qui dodeline sans cesse, bras qui se balancent dans tous les sens) et malgré ses défauts, il survolera sa discipline pendant presque 10 ans du demi-fond au fond (4 médailles d'or olympiques, 18 records du monde). Echenoz ne nous épargne pas la fin de carrière de Zatopek. Au contraire, il évoque les dernières années du champion, qui continuait à courir pour le plaisir, perdant parfois la première place, revenant d'autres fois à son meilleur niveau, mais toujours en conservant sa bonne humeur et en admettant la défaite. Il a toutefois décidé de s'arrêter alors qu'il gagnait encore, mais a continué de courir pour le plaisir.
A noter aussi que sa femme Dana Zatopkova a remporté la médaille d'or au lancer du javelot au cours des JO d'Helsinki.

Petite vidéo montrant ses trois victoires au cours des Jeux d'Helsinki et son style si peu académique. 

Mais ce livre est aussi tellement plus que cela. C'est tout un pan de l'histoire de la Tchécoslovaquie qui nous est dévoilé de l'annexion des Sudètes par Hitler en 1938 jusqu'au milieu des années 70, en passant par la libération du pays par les soviétiques, puis la mise en place d'un régime communiste strict avec l'épuration par les Grands procès de Prague et enfin le printemps de Prague de 1968. 
Le système du parti communiste ne va évidemment pas laisser passer une telle opportunité de développer sa propagande autour de Zatopek. Si celui-ci gagne, c'est évidemment parce qu'il est un bon socialiste. Mais la peur d'une désertion va planer au-dessus de la carrière de Zatopek, à tel point que les dirigeants politiques vont lui interdire de courir dans les pays occidentaux, le privant d'un certain nombre de victoires. Après 1953, la mort de Staline et la mort du dirigeant tchécoslovaque Klement Gottwald (qui a pris froid aux obsèques de Staline!), les laisser-passer vont devenir un peu plus nombreux, mais il restera toujours encadré par des membres du parti lors de ces déplacements dans les pays du bloc de l'ouest, guerre froide oblige.
En 1968, alors que Zatopek a mis fin à sa carrière depuis quelques années, Alexander Dubcek arrive au pouvoir et propose de réformer le pays en donnant plus de libertés à la population : c'est le printemps de Prague. Emile dit publiquement qu'il soutient cette politique. L'ancienne idole du parti devient donc son ennemi. Le quadruple champion olympique est radié du parti, envoyé dans les mines d'uranium pendant 6 ans dont il reviendra pour être "promu" éboueur, puis terrassier. On finira par lui proposer de signer un papier dans lequel il avoue ses erreurs du passé, ce qui lui permettra d'obtenir un poste d'archiviste. Malheureusement, Echenoz cesse là son récit (au milieu des années 1970) alors que Zatopek a vécu jusqu'en 2000.
Le récit est émaillé d'anecdotes édifiantes, comme les régimes communistes savent si bien les fournir (malheureusement). Par exemple, Dana, la femme de Zatopek reçoit un journaliste en présence d'une de ses amies. Le discours de Dana est évidemment très policé (tout va bien, tout est merveilleux, notre vie est simple, nous n'avons besoin de rien). Son "amie" se révèle à la fin être un agent de la police politique venue surveiller l'entretien de Dana ! Ou bien encore, quand Emile va être nommé éboueur, les gens dans les rues,se souvenant du grand champion, se levaient le matin pour l'apercevoir courir après le camion poubelle et l'applaudir, certains mettant même leurs ordures dans le camion à sa place, à tel point que le parti a décidé de le changer d'affectation car cela troublait trop l'ordre public !

En quelques mots : un livre que j'ai dévoré en 2 heures et auquel je ne trouve qu'un défaut : celui d'être trop court !

En plus : ce livre fait partie d'une trilogie de biographies romancées avec Ravel et Des éclairs, lu par ma copinaute Miss Léo (son billet).

Troisième et dernière participation au challenge sport d'Hérisson : CHALLENGE REUSSI ! 

et participation au petit bac 2012 d'Enna dans la catégorie Sport /Loisir

8 commentaires:

  1. Comme je le disais il y a quelques temps chez Miss Léo, je n'ai jamais lu cet auteur, il va falloir que je découvre.

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    1. Oui, surtout que ses livres vont vite à lire et qu'il a écrit sur les sujets les plus divers. Je ne suis pas fan des auteurs français contemporains, mais avec Jean echenoz, c'est passé tout seul !

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  2. Il écrit parfaitement et je confirme : Courir comme Des éclairs se lit très bien.

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    1. Oui son style est vraiment très fluide. J'ai hâte de découvrir d'autres ouvrages de l'auteur !

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  3. Merci pour ta participation et ta réussite au challenge sport! Ce titre me tente bien maintenant!

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    1. Franchement, je pense pouvoir te dire que tu ne seras pas déçue !

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  4. Rebonsoir Shelbylee, c'est avec Courir que j'ai découvert Echenoz: j'ai adoré sa façon de raconter et il y a du suspense car il ne dévoile le nom de Zatopek qu'à la toute fin du roman ou presque. Des Eclairs et Ravel sont très très bien aussi. Un grand écrivain. Bonne soirée.

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    1. Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce livre comme tu as pu le constater. Merci de me remettre ce billet en tête, car depuis je n'ai pas lu d'autres Echenoz, Il faut que je remédie à cela !

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