mardi 18 novembre 2014

Ethan Frome d'Edith Wharton

Avant-propos : En fait, ce n'est pas une lecture récente (elle date de mars), mais je n'en avais pas parlé sur le blog. Comme je suis en train de lire Chez les heureux du monde, j'ai eu envie d'évoquer Ethan Frome, surtout que ces personnages me hantent encore près de 6 mois après ma lecture.
Je l'ai lu dans la version traduite par Julie Wolkenstein sortie chez POL cette année.

Mon résumé : Dans un petit village de la Nouvelle-Angleterre, un narrateur anonyme raconte son arrivée à Starkfield et sa rencontre avec l'énigmatique Ethan Frome dont il va découvrir le destin.

Mon avis : J'ai adoré la description des paysages de la Nouvelle-Angleterre, de cette nature âpre où la neige recouvre tout. Je ne suis pas une adepte du déterminisme géographique (les paysages influent sur les habitants), mais je trouve qu'il sied particulièrement bien à cette histoire. L'opposition entre la blancheur du paysage et la noirceur du destin d'Ethan accentue l'idée de tragédie.

Ethan m'a tout de suite plu. C'est un taiseux, blessé par la vie, psychologiquement et physiquement. Le fait de le voir au travers des yeux du narrateur qui l'apprécie nous le rend sympathique aussi.

Edith Wharton excelle dans l'art du non-dit. Ce n'est pas Ethan qui nous raconte son histoire, on ne sait jamais vraiment ce que pense sa femme, (à part dans une seule phrase qui nous est livrée), on ne saura jamais vraiment ce qu'il s'est passé pendant la vingtaine d'années entre l'accident (annoncé dès les départ) et la rencontre avec le narrateur.

Le triangle amoureux qui se met en place n'est pas traditionnel dans le sens où je n'ai pas l'impression qu'Ethan et Mattie soient "réellement" amoureux. Je pense qu'ils en sont persuadés, mais que c'est plus un amour de circonstance, dû à la profonde solitude qui les étreint et au fait que leurs rêves aient été brisés. Ils se raccrochent alors à la seule personne qui leur accorde un peu de sympathie et de réconfort.

Wharton est  l'un des rares auteurs qui arrivent à m'émouvoir avec de minuscules gestes (un frôlement de mains dans Le temps de l'innocence) comme ici quand Ethan embrasse le bord de l'ouvrage de Mattie alors qu'il ne rêve que de l'embrasser elle.

Et que dire de la fin ? Alors que tout semble jouer dès le départ : on sait qu'il y a eu un accident, on sent bien toute l'attirance d'Ethan pour la cousine de sa femme, Edith Wharton a réussi à me surprendre 2 fois. Tout d'abord au moment de l'accident qui ne se déroule pas du tout de la façon dont j'imaginais. Mais surtout, lors de la révélation finale lorsque l'on comprend à quel point le destin a été cruel avec Ethan.

Le début m'a particulièrement fait penser aux Hauts de Hurlevent (un narrateur étranger aux lieux qui raconte une histoire, influence de la nature sur les êtres, violence psychologique et même la scène de bal où Ethan observe Mattie par la fenêtre). Mais, il n'y a pas autant de violence physique et Ethan n'est pas un acteur de cette violence, mais au contraire, il est totalement démuni et résigné face à son destin.

En quelques mots : Loin du glamour de la Cinquième Avenue, Edith Wharton nous livre un récit âpre et tragique. Le destin d'Ethan Frome est cruel et bouleversant. Un de mes coups de coeur de l'année !


12 commentaires:

  1. Je n'ai pas du tout accroché à cet univers glacial et cruel !! Une lecture bien difficile pour moi...

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    1. Je comprends, je l'ai trouvé glacial et cruel aussi, mais tellement émouvant ! La fin m'a laissée sans voix.

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  2. J'aime tout ce que tu en dis. D'autant que ce titre a l'air bien différent de ce que j'ai déjà lu d'Edith Wharton. Je note !

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    1. Il est effectivement atypique par rapport à ce que j'ai lu d'elle. Un peu comme les Hauts, j'avais bien aimé quand je l'ai lu, mais je n'aurais pas forcément dit que c'était un coup de coeur. Sauf que ça fait maintenant 6 mois et que je n'ai toujours pas oublié les personnages et que je frisonne rien que d'y repenser (et en plus il est court).

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  3. J'avais pris une vraie claque en lisant ce texte!

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    1. Oui je me souviens de ton billet qui m'avait justement donné envie de le lire !

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  4. Je n'ai pas lu celui-ci, mais il figure bien évidemment en bonne place dans ma liste de livres-à-lire-un-jour-prochain-quand-j'aurai-le-temps.

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    1. Il est vraiment très court et se dévore ultra-rapidement. Je viens de finir Chez les heureux du monde. C'était vraiment très bien aussi ! Merci pour ce livre :-)

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  5. Je l'ai lu il y a fort fort longtemps mais j'ai encore le goût amer de la fin dans la bouche. La cruauté du destin d'Ethan m'avait bouleversé. J'ai très envie d ele relire dans cette nouvelle traduction.

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    1. Je pense que c'est le genre de fin qu'on n'oublie pas, même des années après sa lecture. Je ne peux pas te dire si elle change beaucoup par rapport à l'ancienne, mais je l'ai bien aimé et j'ai découvert Julie Wolkenstein dont j'ai apprécié ensuite Colloque sentimental.

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  6. Je l'ai lu aussi il y a longtemps : mais quel pessimiste ! J'ai beaucoup aimé toutefois la peinture des caractères..

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    1. Oui c'est très noir et très cruel. Mais ce sont en général les histoires de ce type que je n'arrive pas à oublier.

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