samedi 2 novembre 2013

Le dieu de New York de Lyndsay Faye (Timothy Wilde, Tome 1)

Avant-propos : Les derniers billets vous ont présenté des livres dont j'avais apprécié le début mais pas la fin. Là c'est tout l'inverse, ma lecture s'est bonifiée au fur et à mesure. J'ai découvert ce livre par les recommandations sur Babelio et je n'en avais jamais entendu parler avant, ce que je trouve bien dommage.

Mon résumé : Nous suivons les pas de Timothy Wilde, de son travail de barman à ses premiers pas en tant que "flic à l'étoile" à New York en 1845.

Mon avis : Si j'ai eu un peu de mal à rentrer dans ce livre, c'est parce que sur la quatrième de couverture, on nous parle d'une enquête sur de mystérieuses disparitions d'enfants. Mais en fait le livre n'est pas qu'un simple policier historique. Après un prologue qui nous évoque une enfant en danger, on revient en arrière et on passe à la vie de Timothy pendant près de 100 pages et à la façon dont il devient policier. L'enquête ne démarre que tardivement.

Un magnifique tableau de New York au XIXe siècle
C'est sa force, mais c'est aussi son défaut. Au départ, même si les explications sont passionnantes, on a un peu l'impression de lire un exposé sur la ville au XIXe siècle et on ne sent pas vraiment où l'auteur veut en venir. Cela s'arrange ensuite quand l'enquête commence à décoller. Nous plongeons principalement dans la 6e circonscription de New York, qui comprend les quartiers les plus défavorisés et notamment le tristement célèbre Five Points. C'est dans cette circonscription que se concentrent les immigrés (principalement les irlandais, mais aussi quelques afro-américains émancipés). C'est évidemment dans cette circonscription extrêmement violente que Timothy va être nommé pour son premier poste. Les affrontements entre communautés sont nombreux et la discrimination envers les irlandais est absolument hallucinante (surtout quand les "américains"  les insultent en leur disant qu'ils sont immigrés, ce qui serait assez comique si ce n'était pas si dramatique). L'opposition est aussi religieuse puisque les irlandais sont majoritairement catholiques contrairement aux américains qui sont protestants (même si c'est beaucoup plus complexe que cela). L'auteure aborde avec brio les conflits sociaux entre les différentes communautés. La question de la vie des enfants pauvres est l'un des thèmes centraux du livre. Qu'ils soient vendeurs de journaux, cireurs de chaussures ou prostitués, ils sont tous très émouvants.

La création du NYPD
Nous assistons à la naissance du département de police le plus célèbre au monde. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que cela n'a pas été aisé. Cet élément (véridique) m'a d'ailleurs beaucoup surpris parce que naïvement, je m'imaginais que dans une ville violente, la présence d'une force de police rassurerait les populations. Mais pas du tout, il y a carrément eu une opposition à la mise en place de ce système à New York et les premiers "flics à l'étoile" sont extrêmement mal vus. Ce qui fait que les premiers à intégrer la police sont loin d'être des enfants de coeur. Au départ, ils ne sont engagés que pour un an, jusqu'aux prochaines élections. Si les démocrates repassent, le système continuera, si non, la force de police sera dissolue. On découvre aussi par l'intermédiaire du frère de Timothy, Valentin, que la corruption politique est déjà un sport national, puisque en tant que membre du parti démocrate, ils forment certains à truquer les élections ! Valentin est d'ailleurs un ancien pompier dont le département semble avoir été le vivier à la fois du parti démocrate ainsi que des premières forces de police (je ne sais pas si c'est vrai  -mais je le pense, vu que le reste est extrêmement documenté- en tout cas, j'ai trouvé cela très intéressant). L'auteure met aussi en scène le personnage historique de George Washington Matsell qui a été le premier responsable de police new-yorkaise.


Des personnages complexes et émouvants. 
Si le personnage de Timothy Wilde est attachant, il est tout de même un peu naïf. Mais les nombreux personnages secondaires sont particulièrement intéressants dans leurs motivations et leurs actions. A commencer par Mercy Underhill, grand amour de Timothy qui n'hésite pas à se rendre dans les quartiers les plus misérables pour aider la population. Elle semble tellement parfaite que Timothy n'ose pas se déclarer. Je ne vous dis rien de son évolution mais j'ai particulièrement aimé ce personnage complexe. De même que Valentin, le frère du héros qui semble avoir tous les défauts du monde. Il y a aussi Bird, une très jeune prostituée, menteuse comme une arracheuse de dents. Si les responsables des crimes sont un peu faciles à trouver, il y a toujours des motivations qui viennent rendre le final particulièrement intéressant et émouvant.

Un énorme travail de traduction.
Je ne suis pas du genre à féliciter les traducteurs, mais là, je ne peux que saluer le magnifique travail de Carine Chichereau, qui a essayé de rendre dans sa traduction l'argot utilisé par l'auteure. Elle nous explique qu'elle a fait le choix d'utiliser les termes de l'argot français du XIXe (et un lexique est joint à la fin). Elle réussit donc à nous immerger un peu plus dans le récit en respectant l'esprit du texte original (vu que cela aurait été impossible de respecter la lettre). Le travail a dû être considérable. On se rend compte que de nombreuses expressions d'argot du XIXe sont passées dans la langue courante (comme par exemple les abattis). Il y a toutefois des expressions beaucoup plus imagées comme avoir une araignée dans la colinquinte (être fou) ou bien casser des emblèmes (raconter des mensonges).

En quelques mots : J'aurais pu encore écrire beaucoup de choses sur ce livre et pourtant, je n'ai pris aucune note et je l'ai fini il y a presque 15 jours, preuve qu'il m'a marqué. Si vous souhaitez vous immerger dans les quartiers les plus dangereux de New York au XIXe siècle grâce à un contexte historique fouillé, ce livre est pour vous !

Et après ? : La suite (malheureusement traduite en français par Le dieu de New York 2) est sortie, mais ma bibliothèque ne l'a pas, alors je vais devoir attendre la sortie en poche (et j'en suis bien malheureuse car j'aurais aimé enchaîner les deux) [ERRATUM : après d'infructueuses recherches chez Gibert, j'ai découvert que le tome 2 avait été ajouté sur Babelio, mais en réalité la suite n'est pas du tout sortie en français, seulement en anglais] [Mise à jour : j'ai lu la suite qui s'intitule Le sang noir du secret]. Lyndsay Faye a aussi écrit Dust and shadow, un livre où Watson raconte l'enquête de Sherlock Holmes sur les meurtres de Jack l’éventreur (et les commentaires sont très bons), mais il n'est malheureusement pas traduit en français pour l'instant (au pire, je le lirai en anglais).
Ce livre m'a aussi donné envie de me jeter sur Gangs of New York, que je n'ai curieusement jamais vu (curieusement parce que Scorsese me fascine même si je n'aime pas tous ses films qui sont parfois trop violents pour moi, et Leo itou).
J'ai trouvé un documentaire sur l'histoire de New York diffusé sur arte et pourquoi pas l'Histoire de New York de François Weil.
Je tenterai peut-être aussi la série Copper qui se passe à New York en 1864.
En voyant les livres associés à celui-ci, j'ai aussi découvert Noir corbeau de Joël Rose qui se passe en 1841 et qui évoque le meurtre de Mary Rodgers qui inspirera à Poe une de ses nouvelles, Un Oeil bleu pâle de Louis Bayard où Poe mène l'enquête, Nevermore de William Hjortsberg où cette fois ce sont Houdini et Conan Doyle qui mènent une enquête sur un meurtrier qui met en scène les nouvelles de Poe [mise à jour, je l'ai lu, il vaut mieux l'oublier]. J'ai aussi repensé à L'aliéniste de Caleb Carr car cela fait longtemps que j'ai envie de le lire [mise à jour, je l'ai lu, c'est bien, mais je préfère nettement Le Dieu de New York], ainsi que Le maître des orphelins de Jean Zimmerman qui se passe en 1663 quand la ville est encore hollandaise [Mise à jour, une très belle découverte, presque un coup de coeur, mais ma lecture a été hachée, car j'ai du le rendre à la bibli et je ne l'ai terminé que quelques semaines plus tard] et enfin j'ai dans ma PAL The Scent of death d'Andrew Taylor (auteur du Diable danse à Bleeding Heart Square) qui se passe en 1778 à New York [Mise à jour : il est sorti en ebook sous le titre un parfum de mort, mais pas en version papier]. Bref, j'ai de quoi faire...





10 commentaires:

  1. J'avais envie justement de te dire de jeter un oeil sur Copper que j'aime bien et L'alieniste de Caleb Carr qui est sensas ainsi que sa suite L'ange des ténèbres un peu moins tapageuse mais qui va droit au but.

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    1. Copper avait eu plutôt de mauvaises critiques alors je n'avais pas regardé. Summerday m'en a parlé aussi. Je pense me laisser tenter. J'ai longtemps pensé que L'aliéniste était un roman médiocre du fait de sa surexposition médiatique (à la Marc Lévy ou à la Guilllaume Musso) mais j'ai compris que c'était carrément d'un autre niveau !

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  2. J'ai vu pas mal de bon avis sur Le Dieu de New York mais je crois que ça me rappellerait trop mon mémoire de master sur les immigrés irlandais aux Etats-Unis, avec un chapitre justement consacré à la création de la police new-yorkaise et à la corruption qui régnait en ce temps-là :) Par contre "Dust and Shadow' m'intéresse beaucoup, je me faisais récemment la réflexion que Sherlock Holmes est contemporain de Jack L'éventreur !

    Je ne suis pas une fan de Scorsese mais "Gangs of New-York" est fabuleux, Leo est super mais c'est surtout Daniel Day-Lewis qui y fait une super performance.

    "Nevermore" m'intrigue aussi je vais jeter un oeil. Et j'ai lu "L'aliéniste" il y a pas mal d'années mais je me souviens d'avoir beaucoup aimé.

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    1. Je peux lire ton mémoire ? :p Je ne te conseille effectivement pas le livre même si du coup tu aurais un oeil plus aiguisé que le mien.
      Il y a eu beaucoup de pastiches où Sherlock croise Jack l'éventreur (dans certains c'est même lui !) mais celui-ci a vraiment de bonnes notes et j'ai aimé l'auteure.

      Je suis plus fan de la personne Scorsese (son parcours, sa culture cinématographique, sa créavité) que de ses films (quoique j'ai beaucoup aimé ses 2 derniers et la série Boardwalk Empire). Oui il parait que DDL est formidable (c'est d'ailleurs Scorsese qui a été le rechercher pour ce film alors qu'il était devenu artisan en Italie).
      L'aliéniste me tente décidément de plus en plus !

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  3. Lol si tu as des problèmes d'insomnie, mon mémoire pourra sûrement t'arranger ça ! Non, j'ai adoré l'écrire, mon sujet me passionnait mais c'est vrai qu'après y avoir passé 3 ans, j'ai l'impression (même si je sais qu'elle est fausse) d'avoir lu tout ce qu'il y a à lire sur le sujet XD

    Je ressens la même chose envers Scorsese, je suis loin d’aimer tous ses films (enfin de ceux que j’ai vus), j’ai par exemple adoré Gangs ainsi qu’Aviator, mais j’ai détesté Les Infiltrés. Cela dit, je suis admirative de son parcours. Quand j’étais au lycée (désolée, je parle beaucoup de mes années d’école ^^) on nous avait projeté le documentaire qu’il a réalisé sur ses origines, surtout sur ses parents si je me souviens bien, et j’avais trouvé ça très intéressant et émouvant.

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    1. En tout cas, je veux bien des conseils sur 2-3 titres de livres d'histoire sur le sujet !

      La violence des Infiltrés m'a piqué les yeux (et le scénario n'a pas rattrapé grand chose), mais Scorsese a une vision, pour moi il est un peu comme Tarantino je n'aime pas forcément leurs films, mais je m'incline devant leurs références et leur amour du cinéma (même si leurs univers sont très éloignés des miens) ainsi que de la musique (que dire des BO de leurs films à part qu'elles sont souvent formidables).

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    2. J'ai surtout lu des ouvrages universitaires, les romans n'étaient pas autorisés comme sources bibliographiques, et tous en anglais, vu que je devais rédiger mon mémoire dans cette langue. Mais il y a en un très chouette, accessible et pas du tout rébarbatif, c'est "1001 Things Everyone Should Know About Irish American History" de Edward T. O'Donnell, qui se présente sous la forme d'entrées consacrées à un personnage, un événement, un lieu, etc, classées par thèmes, et qui couvre vraiment bien le sujet de l'immigration irlandaise aux USA.

      Il y a pas mal de romans qui traitent du thème comme par exemple (je ne l'ai jamais lu mais j'ai beaucoup entendu parler de) "Le lys de Brooklyn" (en VO "A tree grows in Brooklyn"), de Betty Smith, qui raconte l'histoire d'une fille d'immigrants irlandais au début du 20 ème siècle et qui est apparemment considéré comme un classique.

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    3. J'ai fait des études d'histoires, les références universitaires ne me faisaient pas peur mais je t'avoue qu'en anglais, je passe :p Je note le O'Donnell. Merci !
      Le Lys de Brooklyn me dit vaguement quelque chose, je vais voir ça.

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  4. Je pensais aussi aux romans de Caleb Carr en te lisant mais il faut dire que la couverture y fait aussi penser.

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    1. Oui c'est clair qu'ils n'ont pas fait dans l'originalité pour la couverture !

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