Résumé de l’éditeur : Meiringen, Suisse. Les pompiers dégagent l'accès à l'hôtel Baker Street. Cet établissement, charmant et isolé, a été coupé du monde pendant trois jours à cause d'une avalanche. Personne n'imagine que, derrière la porte close, se trouve un véritable tombeau. Alignés dans la chambre froide reposent les cadavres de dix universitaires. Tous sont venus là, invités par l'éminent professeur Bobo, pour un colloque sur Sherlock Holmes. Un colloque un peu spécial puisque, à son issue, le professeur Bobo devait désigner le titulaire de la toute
première chaire d'holmésologie de la Sorbonne. Le genre de poste pour lequel on serait prêt à tuer... Hommage, plein de rebondissements, à Sherlock Holmes et à Agatha Christie; regard amusé sur le petit monde de l'Université ; humour et légèreté. Pour lutter contre la déprime ambiante, Le Mystère Sherlock est idéal !
Mon avis : Au cas où vous ne l'auriez pas compris, j'ai adoré ce livre.
J'en attendais énormément vu que tout le monde m'avait dit que c'était génial. Eh bien je n'ai pas été déçue ! Dès les premières pages, ça a été un coup de foudre. Les jeux de mots, les descriptions pittoresques, les références à la culture pop et à la culture littéraire, les réflexions qui frisent l'absurde, les situations improbables : j'ai tout aimé.
C'est tout d'abord un pastiche des romans policiers. Si nous sommes là avant tout pour le plaisir, il y a tout de même une intrigue policière qui se dessine. Nous suivons, grâce aux journaux et enregistrements laissées par les victimes, les évènements dans l'ordre chronologique. L'auteur revendique clairement un hommage aux Dix petits nègres d'Agatha Christie puisque l'ouvrage est nommé dans Le mystère Sherlock (et il sert même à la construction de l'intrigue). Les rebondissements sont incessants et les meurtres (tous plus farfelus les uns que les autres) se multiplient sous nos yeux. Au niveau de la résolution, j'avais trouvé le coupable dès les premières pages, mais la révélation est amenée de manière tellement originale que ce n'est pas décevant.
Nous nous trouvons face à des personnages absolument délirants. L'auteur égratigne le milieu universitaire en présentant des personnages imbus d'eux-mêmes, cherchant la reconnaissance à tout prix (et même à n'importe lequel), redoublant de coups-bas et d'alliance de circonstances, tous les moyens étant bons pour obtenir la première chaire d'Holmésologie de la Sorbonne. En un mot jubilatoire ! Les portraits qui nous sont livrés de chacun des universitaires sont à mourir de rire : du coincé au beau-parleur, de la bimbo misandre à la passionaria de la cause holmésienne, nous avons face à nous certes des personnages caricaturaux, mais absolument drolatiques.
Sous couvert de légèreté, l'auteur nous livre toutefois une réflexion sur l'importance que peuvent prendre les personnages littéraires dans la vie de tous les jours, l'influence qu'ils exercent sur tout un chacun, même une centaine d'années après la mort de leur créateur.
"Au fond, c'est peut-être ça un mythe : un personnage dont le talent dépasse celui de son créateur, un être qui a davantage d'ampleur dans l'imaginaire collectif que dans celui de son géniteur, une figure que des écrivains successifs vont s'approprier dans l'espoir d'être celui qui saura enfin se hisser à son niveau"J.M. Erre nous livre d'ailleurs une biographie intéressante de paralittérature holmésienne, ouvrages qui sont cités dans le livre par les personnages (et pour certains, je ne pensais pas qu'ils existaient vraiment!). Par contre, celui qui a vraiment existé pour les personnages, c'est Holmes lui-même ! Le fait de dire qu'il est une oeuvre de fiction fait frôler la crise d'apoplexie aux universitaires invités lors du colloque.
Il ne faut toutefois pas s'attendre à un ouvrage sur Holmes. L'auteur distille de manière très habile les citations du canon, mais sans nous noyer sous les références holmésiennes. Je n'ai pas lu tout le canon [Shame on me!] mais je n'ai pas du tout été perdue.
En quelques mots : Un ouvrage parfait pour se dérouiller les zygomatiques, à éviter dans un lieu public de peur que l'on vous prenne pour un fou en train de rire tout seul. Si j'écrivais, j'aimerais écrire comme J.M. Erre. Je l'achèterai dès qu'il sortira en poche et je compte bien découvrir les autres ouvrages de l'auteur !
Je termine par quelques citations pour vous donner envie :
- Au sujet du pompier qui vient sauver les personnes coincées par la neige : " Partout on le fêtait en libérateur, on organisait des bals populaires et on tondait les collabos qui avaient fait des bonhommes de neige"
- "Il fait tout noir, remarqua le caporal Flipo qui appartenait à la curieuse engeance des débiteurs d'évidences."
- "Au milieu du hall désert de l'hôtel Baker Street, deux hommes se font face dans un silence assourdissant, comme disent les poètes à oxymore."
- "Tiraillée entre une piété farouche et un tempérament bilieux, Dolorès Manolete est à la foi chrétienne ce que Dark Vador est à la Force Jedi : un serviteur fidèle mais un chouïa tourmenté."
- "La réponse entraîna de nouveaux remous dans la salle. Si on avait eu un bûcher sous la main, on aurait rendu hommage aux sympathique loisirs du Moyen-Age."