Ce n'est pas évident d'écrire un avis sur un livre aussi complexe que Mrs Dalloway, surtout quand on n'est pas spécialiste d'analyse littéraire.
C'est un livre qui fait un peu peur. Il se traîne une réputation d'ouvrage difficile à comprendre avec un style très particulier.
J'ai d'ailleurs hésité pendant plus de 2 ans avant de le découvrir (n'est-ce pas Lili !). Je ne voulais pas qu'il "m’écœure" comme cela semble être parfois le cas pour certains de ses lecteurs. J'ai commencé par me familiariser avec le style de Virginia Woolf avec le recueil de nouvelles Le quatuor à cordes (dont je parlerai peut-être un jour sur le blog, mais j'ai toujours du mal à présenter des nouvelles). Puis, je me suis lancée dans Mrs Dalloway. Je n'ai eu aucun mal à lire et je l'ai terminé en 2 jours (et encore, c'est parce que j'ai dû sortir, sinon j'aurais pu le lire en une journée).
Le livre raconte l'histoire d'une journée particulière dans la vie des invités de Clarissa Dalloway. Ca a d'ailleurs été ma première surprise car j'ai toujours cru d'après ce qu'on m'avait dit qu'il n'y avait pas d'histoire et que l'on suivait simplement le cheminement de Mrs Dalloway dans Londres. Enfin, simplement c'est vite dit. Si effectivement, on peut prendre un plan de Londres et suivre son parcours géographique, il est un peu plus compliqué de suivre le fil de ses pensées. Personnellement, je n'ai eu aucun mal, étant moi-même une adepte du passage du coq à l'âne, je n'ai jamais été perdue dans ses récits entrecroisés où une image, une personne ou une émotion ramène Clarissa (ou les autres personnages) à un souvenir plus lointain.
Parmi toutes ces histoires, il y en a une qui, pour moi, se distingue particulièrement ; il s'agit de celle de Septimus Warren Smith. Ancien soldat de la Première guerre mondiale (l'action du livre se déroule en juin 1923). il est revenu choqué, déprimé et suicidaire. Sa femme, qui ne sait pas quoi faire pour l'aider, l'envoie consulter des médecins qui ont dû mal à diagnostiquer son état et qui lui préconise du repos en clinique. J'ai trouvé son destin tragique particulièrement bouleversant, d'autant plus qu'il fait écho à celui de Virginia Woolf. Ses descriptions de l'état dépressif sont saisissantes. J'ai lu quelque part que Virginia Woolf avait eu elle aussi l'impression que les oiseaux lui parlaient en grec et elle l'a utilisé dans son roman pour le personnage de Septimus. J'ai été aussi impressionnée par le fait qu'elle analyse si bien les conséquences du conflit sur l'état mental du soldat, alors qu'à l'époque, c'était loin d'être le cas, comme elle le montre clairement par l'intermédiaire des personnages des médecins.
Les autres passages qui m'ont particulièrement plu sont ceux qui concernent Clarissa et Peter, son ancien amour. Chacun pense qu'il connaît l'autre par coeur, mais nous nous rendons compte, en tant que lecteurs, que ce n'est pas du tout le cas, Ils prennent les gestes de l'autre comme des signes de rejet alors qu'en fait chacun se languit d'amour (fantasmé) pour l'autre.
Virginia Woolf évoque aussi le désir qu'a pu ressentir Clarissa pour une autre femme ce qui est quand même un thème particulièrement osé, vu le moment où a été écrit le livre, surtout qu'elle l'évoque comme quelque chose de naturel et non comme quelque chose de scandaleux.
Le livre est aussi une déclaration d'amour à la ville de Londres avec une plaisante balade dans la ville pour ceux qui la connaissent (par exemple un petit passage à Hatchard's) et qui donnent sans doute envie de la découvrir pour les néophytes.
Le livre a failli s'appeler Les Heures et je trouve ce titre plus pertinent que Mrs Dalloway car, même si tous les personnages sont les invités de Clarissa, il y a certains moments où l'on ne parle pas d'elle. Par contre, tout au long du livre, Big Ben rythme les heures de la journée et évoque aussi la fuite du temps, thème récurrent du livre.
Il y a sans aucun doute d'autres thèmes à évoquer (le style ciselé par exemple ou le portrait de Clarissa), mais j'ai choisi de mettre en avant ce qui m'a particulièrement marquée au cours de cette première lecture.
Je pense sans aucun doute que je le relirai car je l'ai lu très rapidement et je n'ai pas vraiment pris le temps de le savourer. Je pense qu'il fait partie des livres dont on découvre d'autres aspects quand on le relit.
Je lirai bientôt Les Heures de Michael Cunningham dont j'avais vu l'adaptation au cinéma. Je pense aussi regarder l'adaptation de Mrs Dalloway avec Vanessa Redgrave et Rupert Graves. Je regarde aussi la mini-série Life in squares mais pour l'instant, je ne suis pas particulièrement emballée.
Lecture commune avec Fanny
Participation au challenge A year in England de Titine
Oh ton avis me donne vraiment envie de m'y mettre :-) Je pense commencer par "Une chambre à soi" qui m'intrigue beaucoup depuis un moment. Comme toi, j'étais assez intimidée, mais je me sens "prête" maintenant :p
RépondreSupprimerTrès beau billet !
Merci :-) Je pense effectivement que la notion d'être "prête" est importante. On sait que cela ne sera pas forcément simple (même si au final, j'ai trouvé cela beaucoup plus simple que prévu) mais on a envie de s'accrocher. Ses essais sont normalement plus faciles d'accès.
SupprimerEn tout cas, je compte continuer ma découverte !
J'avais beaucoup aimé ce roman. J'étais emportée dans ce flot de pensées. Il faut se laisser porter et, comme tu dis, être prêt! Et avoir envie de ça.
RépondreSupprimerOui c'est vraiment ça, il faut se laisser porter. J'avais l'impression parfois de suivre une feuille qui virevolte au gré du vent et qui vient se poser sur quelqu'un, nous dévoilant ses pensées.
SupprimerJe ne l'ai pas noté dans ma chronique mais j'ai bien aimé aussi l'histoire de Clarissa et Sally qui est évoquée assez rapidement et qui du coup parle de l'amour lesbien.
RépondreSupprimerEn tout cas, je suis contente d'avoir enfin découvert ce roman qui en plus me donne envie d'aller plus loin et de découvrir d'autres livres de Virginia Woolf.
Oui j'ai été très surprise par le ton presque banal de ce passage alors que c'est quand même très sulfureux pour l'époque ! Moi aussi je compte bien continuer ma découverte.
SupprimerC'est un roman sublime, le premier que j'ai lu de Virginia Woolf. C'est un petit bijou ciselé, subtile et profond à la fois. Je me souviens également très bien de l'histoire entre Clarissa et Peter qui m'avait beaucoup touchée. Et Londres, elle en parle dans d'autres romans comme "Nuit et jour" et on sent qu'elle adorait cette ville. Je l'ai lu il y a bien longtemps et il faudrait que je songe à le relire.
RépondreSupprimerOui je pense que Mrs Dalloway mérite une relecture pour pouvoir en saisir toutes les nuances.Je vais poursuivre ma découverte avec La traversée des apparences, je pense, notamment car on retrouve Clarissa.
SupprimerAh j'ai lu quelque chose qui pourrait me plaire...Ce personnage, Septimus pourrait me plaire ! ;)
RépondreSupprimerL'auteur anglaise Pat Barker parle très bien des soldats qui reviennent du front, je pense à mon chouchou littéraire (coup de coeur puissance 10 000) : Paul Tarrant ;)
Je ne doute pas que Pat Barker en parle très bien, mais c'est un sujet bien étudié par les historiens aujourd'hui. Alors qu'à l'époque de Virginia Woolf c'est un sujet tabou, je la trouve donc vraiment en avance sur son temps.
SupprimerJ'adore ce roman un chef d'oeuvre.
RépondreSupprimerQue dire de plus ? ^^
SupprimerJe l'ai lu il y a des millions d'années, et il se trouve que j'ai racheté un Virginia Woolf il y a peu (il attend son tour sur la PAL). J'avais beaucoup aimé, je m'en souviens.
RépondreSupprimerJe pense qu'il ne laisse effectivement pas indifférent. Je pense qu'il faut trouver la bone période pour lire un Woolf
SupprimerJe n'ai pas encore osé faire la connaissance de Virginia Woolf car elle m'intimide ^^"
RépondreSupprimerJe te comprends, elle m'intimidait beaucoup aussi. Je te conseille de passer par Vita Sackville-West si ce n'est pas déjà fait. Je trouve que c'est une bonne porte d'entrée vers Woolf.
SupprimerMais que vois-je ! J'avais totalement omis de revenir commenter ce billet une fois internet revenu chez moi, quel impardonnable oubli !
RépondreSupprimerQue je suis contente que tu aies aimé Mrs Dalloway ! Je sais, c'est un peu bête, mais lorsqu'on aime tant un livre qu'il semble être devenu une partie de nous, on a toujours un petit pincement particulier quand il est également apprécié d'un autre lecteur !
La première guerre mondiale tient effectivement une large part dans ce roman, l'air de rien, non seulement à travers Septimus mais également à travers diverses images qui mettent en lumière un certain immobilisme délétère de l'Empire britannique. Woolf sentait se profiler une chute brutale à trop vouloir se draper dans les traditions et le respect des convenances au détriment d'une lucidité nécessaire. Elle était décidément une clairvoyance décapante à tous points de vue.
J'espère en tout cas que cette première tentative te donnera envie de lire ses autres oeuvres :)
Je te comprends, moi aussi j'aime qu'on apprécie les livres qu'on aime et à l'inverse, je suis un peu triste quand quelqu'un n'aime pas un livre que j'ai aimé ^^
SupprimerJe compte bien effectivement les découvrir !
Je te conseille vivement The Hours! Contente de voir que tu as aimé ce livre :)
RépondreSupprimerIl faudrait que je m'y mette depuis le temps que j'en parle !
SupprimerJ'ai acheté ce roman après avoir vu "The Hours" (le film, donc), il y a quelques années de ça (euphémisme huhu...). Ton article vient de me donner envie de le ressortir, tiens ! :)
RépondreSupprimerSuper si ça peut te donner envie. C'est quand même un livre qui fait un peu peur donc je comprends que tu ne l'aies pas lu après le film.
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