samedi 6 juillet 2013

La prophétie de l'abeille de Keigo Higashino

Avant-propos : Depuis décembre, j'ai dévoré les 3 romans de Keigo Higashino parus en français. J'ai donc été particulièrement heureuse d'avoir été sélectionnée au cours de l'opération Masse Critique de Babelio pour recevoir La prophétie de l'abeille. J'ai même commencé à lire l'extrait proposé par l'éditeur sur internet avant même de recevoir le livre !

Mon résumé : Japon, société Nishiki Heavy Industries, 7 heures du matin. Les employés travaillant sur le projet Big Bee, ainsi que leurs familles sont invités au décollage de ce super hélicoptère (plus de 30 m de long), mis en place par l'entreprise pour la défense japonaise. Quelque temps avant le décollage, l'hélicoptère se met en marche tout seul. Un individu l'a détourné et positionne l'hélicoptère au-dessus de la centrale nucléaire de Shinyo et menace de le faire tomber sur la centrale si toutes les autres du pays ne sont pas mises à l'arrêt avant 2 heures de l'après-midi. Mais, il ne sait pas qu'à l'intérieur de l'aéronef se trouve le fils d'un des personnels de l'entreprise qui s'est glissé par jeu à l'intérieur de l'hélicoptère...

Mon avis : Il faut tout d'abord savoir (et c'est bien indiqué sur la 4e de couverture) que ce roman a été publié au Japon en 1998,  mais seulement traduit aujourd'hui. C'est à la fois son atout et son principal défaut.
C'est un défaut car certains aspects apparaissent, même si on a conscience que le livre a plus de 15 ans, comme extrêmement datés. Par exemple, les policiers décident d'interroger en priorité les gens qui ont un ordinateur ce qui élimine un certain nombre de personnes (ce qui en plus m'a semblé un peu étrange car j'avais moi-même déjà un ordinateur en 1998), on se retrouve avec une explication détaillée de ce qu'est un GPS ou bien encore l'hélicoptère conçu par la firme est censé être le premier de son genre à être à commande électronique (et non pas à commande manuelle) [quand aujourd'hui même dans ma voiture tout est électronique, à tel point que j'ai parfois l'impression que c'est elle qui me conduit]. Ce n'est pas forcément gênant dans certains types d'ouvrages, mais celui-ci étant basé sur les hautes technologies, cela donne forcément un aspect vieillot à l'ensemble.
De plus, nous sommes un peu noyés sous les informations. Higashino essaye d'expliquer le plus clairement possible les technologies rencontrées dans ce livre, que ce soit au niveau des centrales nucléaires ou bien de l'hélicoptère ou encore de l'informatique, ce qui rend parfois la lecture un peu fastidieuse soit par ce que l'on s'y connait déjà et donc ce qu'il écrit peut sembler inutile (par exemple, il y a un élément de l'intrigue auquel j'ai tout de suite pensé parce que j'ai déjà visité une centrale nucléaire), soit parce que l'on ne s'y connait pas du tout et qu'en général c'est parce que cela ne nous intéresse pas particulièrement (gros soupir devant la énième description de l’intérieur de l'hélicoptère). De même, comme on passe d'un personnage à l'autre de manière assez rapide et que les personnages principaux sont assez nombreux, à chaque fois leurs fonctions sont répétées. Or, leurs titres font en général presque une ligne et même si c'est utile, cela donne une impression de lourdeur au texte (peut-être aurait-on pu régler ce problème en mettant une présentation des personnages et de leurs fonctions au début ?). Cela démontre bien par contre le fait que les fonctions soient morcelées et donc que les services se concurrencent de façon à être les premiers à trouver le coupable, quitte à ne pas livrer toutes les informations au service voisin. Toutefois, on peut franchement douter que dans un monde post-Fukushima, les autorités japonaises réagiraient de la façon décrite dans ce livre.
Quant au bandeau "Le Stieg Larsson japonais, The Times", je le trouve mal venu et à mon avis source de déceptions. J'ai lu Millénium et j'ai lu les 4 ouvrages d'Higashino traduits en français et je ne vois franchement aucun rapport entre les deux que ce soit au niveau des thèmes, de la construction narrative ou du style d'écriture. Et même si j'apprécie sans doute plus Higashino que Larsson, je pense que cela risque de jouer en défaveur de l'auteur japonais.

Il n'en reste pas moins que Keigo Higashino est un visionnaire. Il narre son histoire en direct, heure par heure, voire minute par minute en multipliant les points de vue à la façon d'un 24 heures chrono (mais avant que la série n'existe). Il met en place une histoire où des terroristes détournent un hélicoptère et mettent en danger la population avant le 11 septembre. Il évoque déjà les problèmes d'usurpation d'identité. Il indique un incident nucléaire à la centrale de Mihima (je ne sais pas si celui qu'il indique s'est réellement passé, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y en a eu un important en 2004). Enfin, la dernière phrase du livre est terriblement glaçante quand on sait ce qu'il s'est passé en 2011 (je n'ose même pas imaginer ce que qui a pu  traverser la tête de l'auteur en repensant à ce qu'il avait écrit).

Enfin, le but d'Higashino, évoqué a plusieurs reprises au cours de la lecture en particulier à la fin, est de permettre aux gens de s'interroger au sujet du nucléaire et notamment toutes les personnes qui sont indifférentes, qui n'ont aucune opinion à ce sujet ou bien encore qui le traite avec légèreté ou avec trop d'assurance. Il est, par exemple, assez frappant de lire que "l’industrie nucléaire japonaise clamait qu il n'y aurait pas de fuites radioactives même si un avion s'abattait sur une centrale nucléaire" sachant qu'ils n'ont toutefois pas prévu cette hypothèse puisqu'il était interdit de survoler les centrales. Et pourtant, tout au long du livre les techniciens en sont tellement persuadés qu'ils restent dans la centrale et autour, pensant que le risque est minime. Toutefois, l'auteur ne stigmatise pas ces personnes, qu'on accepte cette technologie ou qu'on la rejette, selon lui,  le tout est de savoir pourquoi on le fait. Il explique aussi assez clairement les différences entre les réacteurs à eau légère (en particulier réacteur à eau pressurisée, massivement utilisés en France) et les surgnérateurs à neutrons rapides utilisant le sodium liquide hautement inflammable au contact de l'eau de type Superphénix (évoqué dans le livre) et d'autres dont l'utilisation a été arrêtée à cause de risques trop nombreux ainsi que de prévisions fausses sur le risque de pénurie d'uranium. Si le livre ne permet évidemment pas de trancher le débat et reste un divertissement, il lance toutefois des pistes de réflexions intéressantes.

En quelques mots : Si le texte présente un côté daté au niveau technologique et de trop nombreuses précisions techniques, il soulève de nombreuses  interrogations qui sont toujours d'actualité sur l'utilisation du nucléaire.


Merci à Babelio et aux éditions Actes Sud qui m'ont permis de découvrir ce livre. J'espère que Keigo Higashino continuera à être traduit, car c'est décidément un auteur extrêmement intéressant !



10 commentaires:

  1. Il m'intrigue vraiment celui-ci, je le lirai dès que possible !

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  2. Bon, je suis partagée : autant les réflexions évoquées par le roman m'intéressent fortement, autant le côté daté que tu soulignes me freine un peu... Ça t'a vraiment ennuyée, toi ? En toute subjectivité? ^^
    Quoiqu'il en soit, que ce soit par celui là ou un autre, j'ai très envie de découvrir l'auteur depuis un moment ! Je remonte son nom en haut de carnet ^^
    Bisouxx!

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    1. Je le savais à l'avance, mais oui, je trouve que dans ce genre de livres basés sur les technologies, c'est beaucoup plus pesant, surtout quand on t'explique en détail une technologie qui est dépassée.
      Je te conseille de commencer plutôt par La maison où je suis mort autrefois ou Le dévouement du suspect X :-)

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  3. Je le lirai sûrement ! Je savais qu'il avait été publié en 1998, donc je m'étais déjà préparée au côté daté que tu évoques. L'intrigue me paraît tout de même intéressante.
    P.S. Je viens de finir "Le liseur", que j'ai beaucoup aimé ! Merci.

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    1. Je m'y étais préparée aussi et j'ai l'habitude de lire des policiers travaillant sans téléphone portable, mais là j'ai trouvé que ça faisait un peu beaucoup.
      L'intrigue est intéressante même si un peu moins aboutie que pour ses autres romans. Enfin, ça reste une lecture intéressante quand même, mais des 4, c'est celui que j'ai le moins aimé.
      Tant mieux pour le liseur ! Il va falloir que je le lise aussi ;-)

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  4. Pas certaine que ce soit mon style... le côté daté risque de me taper par moments.

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    1. Effectivement, il vaut mieux éviter ce livre, mais l'auteur est vraiment à découvrir !

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  5. J'ai adoré "La maison ..." mais je ne sais pas si celui-ci me plairait.

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    1. Je pense qu'il vaut mieux tenter Le dévouement du suspect X avant !

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