dimanche 9 décembre 2012

Autumn de Philippe Delerm

Avant-propos : Je pense que vous l'aurez compris, j'apprécie tout particulièrement le mouvement préraphaélite. Mais ce n'est que cette année que j'ai découvert que le roman Autumn de Philippe Delerm avait pour sujet les préraphaélites. [A ma décharge, il y a tellement d'éditeurs qui utilisent les peintures des préraphaélites alors que le livre n'a aucun rapport, que cela ne m'avait même pas traversé l'esprit]. Si j'ai quelques réserves à émettre au niveau du style (Delerm essaye de décrire les paysages comme s'ils étaient des peintures préraphaélites ; si l'idée est bonne, le style a un petit côté trop appliqué qui manque de naturel et qui est trop répétitif à la longue), néanmoins, il a travaillé avec un certain nombre de sources (qu'il cite à la fin) ce qui donne une bonne base pour découvrir l'univers des préraphaélites. Je vous emmène donc sur les traces de ses peintres et de leurs modèles.

Le roman s'ouvre sur l'une des anecdotes les plus connues de la vie de Dante Gabriel Rossetti : en 1869, 7 ans après la mort de son modèle et épouse Elizabeth Siddal Rossetti, Dante fait réouvrir sa tombe pour récupérer ses poèmes qu'il avait fait enterré avec sa femme pour ne plus jamais les lire. Ce fait résume un peu toute la vie de Rossetti : passionné, romantique, excessif, provocateur, inconstant.
Ci-dessus la tombe de Lizzie Siddal dans le cimetière d'Highgate (qui a l'air très beau) mais dont cette partie ne se visite plus. D'autres photos ici.

Ensuite nous avons droit à un retour en arrière pour assister à la rencontre entre Lizzie Siddal et Dante Gabriel Rossetti. Découverte par un ami peintre, Walter Deverell, Lizzie va devenir le modèle de la confrérie Préraphaélite dont la plupart des membres sont fascinés par sa chevelure de feu, en particulier Dante qui va faire de Lizzie la personnification de la beauté idéale. Ils entament une relation passionnée, provoquante (ils vivent ensemble alors qu'ils ne sont pas mariés) et destructrice qui ne s’achèvera qu'avec la mort de Lizzie. 
Dante Gabriel Rossetti, autoportrait, 1947

Lizzie Siddal, autoportrait, 1854

Dès le départ, on sent les dissensions dans la Confrérie. Collinson veut renoncer à la peinture pour la vie religieuse, Millais s'éloigne de Rossetti. Le succès n'est pas là pour les préraphaélites. Au contraire  ils sont même moqués par Dickens. Jusqu'à un article du plus éminent critique d'art de l'époque : John Ruskin qui va les encourager et les prendre sous son aile. C'est tout d'abord Millais qui va atteindre la reconnaissance avec son Ophelia (dont le modèle est Lizzie). 
Ophelia, John Everett MILLAIS,
Tate Britain, Londres. 
Millais entame une relation plus qu'ambiguë avec Ruskin et l'épouse de celui-ci Euphemia. [In film intitulé Effie doit sortir l'an prochain sur cette histoire qui a défrayé les chroniques à l'époque victorienne, mais que je vous laisse découvrir si vous ne la connaissez pas].
John Everett MILLAIS,  portrait de John Ruskin
Ruskin s'attache aussi à Lizzie et croit beaucoup en ses talents d'artistes (elle s'est mise à peindre aussi), tandis qu'il soutient aussi Dante Gabriel, même s'il a beaucoup de mal vu le caractère peu fiable de l'artiste quand il s'agit d'honorer les commandes.
Dante va aussi rencontrer d'autres modèles, la plantureuse Fanny Cornforth si différente de la diaphane Lizzie.
Dante Gabriel ROSSETTI, The Blue Bower (1865)
[Modèle Fanny Cornforth]
puis Jane Burden-Morris, épouse du "designer" William Morris [qui aurait inspiré à George Bernard Shaw le personnage d'Eliza Doolitle dans son Pygmalion]
Dante Gabriel ROSSETI, Jane Burden (1858)
On croise aussi le poète Algernon Swinburne ainsi que Charles Dodgson alias Lewis Carroll qui à l'époque était assez connu pour ses portraits de célébrités.
L'histoire se termine là où elle a commencé dans la magnifique demeure du 16 Cheyne Walk où Rossetti avait aménagé dans le jardin toute une ménagerie qui a fait bien des ravages.
Portrait dans la famille Rossetti dans le jardin de Cheyne Walk
par Charles Dodgson alias Lewis Carroll

Même si les relations légèrement compliquées entre les préraphaélites et les femmes sont en partie au coeur du livre, il ne comporte pas que cela. Delerm nous livre une réflexion sur l'art, sur la beauté idéale, mais aussi sur les moeurs victoriennes et leur hypocrisie. Et évidemment, il donne envie de replonger dans les tableaux des artistes.

En quelques mots : Le style un peu pesant dessert ce livre qui par ailleurs fourmille d’informations sur le préraphaélisme. C'est le seul roman en français (à ma connaissance) sur ce mouvement. Donc si vous voulez découvrir ces peintres autrement que par leurs peintures, sans lire de monographie, ce livre reste votre meilleure option.

L'avis de Mrs Figg qui comme moi n'a pas aimé le "style ampoulé" de Delerm, mais qui détaille d'autres éléments.









11 commentaires:

  1. j'aime bien Delerm et les préraphaélites alors je le lirai bien

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    1. J'espère que tu apprécieras davantage le style que moi. En tout cas, je pense que tu apprendras des choses sur les préraphaélites :-)

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  2. Malgré ma grande passion pour les Préraphaélites, je n'ai jamais eu envie de lire le livre de Delerm. J'avais peur que son style ne plaise pas et ton billet me renforce dans ma crainte.

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    1. Je n'avais jamais lu Delerm auparavant et j'ai sauté dessus pour le sujet. Il est dommage qu'il n'y ait pas d'autres romans en français sur le sujet (alors qu'il y en a un certain nombre en anglais). Il existe une nouvelle de Wharton qui les évoque aussi, mais de manière très libre d'aprés ce que j'ai compris.

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  3. Effectivement, nos avis sont proches même si j'étais encore plus sévère que toi, il me semble. Ce fut un plaisir de lire ton commentaire, les photos sont très belles et les anecdotes différentes de celles qui m'avaient marqué alors ... Je ne connaissais pas l'histoire de la relation entre E. Ruskin et Millais, je suis curieuse de découvrir le film dont tu parles !

    Et je ne peux qu'approuver ta remarque sur l’agaçante manie des éditeurs de coller des peintures préraphaélites sur n'importe quel livre (le problème est le même avec les tableaux de Hopper et le littérature américaine !).

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    1. Oui je pense que tu as été plus sévère ^^ J'avais encore d'autres photos mais je me suis dit que j'allais vraiment lasser ceux qui n'aiment pas ce mouvement, mais si tu veux voir où la confrérie a été fondée, où Dante et Lizzie ont vécu, la photo de Lawis Carroll qui est décrite à la fin du livre, je peux t'envoyer tout ça !
      Le scénario du film est signé Emma Thompson (pareil si tu veux voir quelques photos...)
      Je suis passée 20 fois devant le Delerm sans même avoir la curiosité de lire la 4e de couv. C'est peut être pour ca que je suis moins sévère avec lui, je me dis que je ne peux pas être méchante avec un homme qui admire et qui connait aussi bien le mouvement des préraphaélites !

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    2. Franchement, il y avait peu de chance de lasser quelqu'un avec des illustrations pré raphaélites lool !
      C'est très gentil pour les photos mais je pense que je les connais déjà toutes (j'avais fait beaucoup de recherches à la suite de ma lecture d'Autumn !) et pour Effie, j'ai trouvé sur Internet. (ça donne très envie décidément !)

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  4. je l'ai lu il y a une dizaine d'année et je ne me rappelle plus du style mais je sais que j'avais été ravie de retrouver ce mouvement artistique au coeur du livre même si effectivement, il parle beaucoup des liens des personnages... Peut-être le relirai-je...

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    1. Au final, il se lit assez vite donc je pense que moi aussi je m'y replongerai avec un stylo à la main pour noter tous les précieux renseignements. Et comme c'est le seul roman en français sur les préraphaélites... Et Delerm maîtrise vraiment le sujet.

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  5. J'aime bcp les preraphaelites, et ce livre lu il y a 10 ans m'a laissé un bon souvenir!

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    1. Oui je pense qu'au final, on se souvient de ce qu'il a raconté et on oublie le style (après on peut apprécier ce qu'il essaye de faire aussi)

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