Aujourd’hui, c’est le centième anniversaire de la mort d’Henry
James. J’ai donc décidé de lui rendre hommage en organisant une LC de Portrait
de femme avec AnGee du Livroscope.
Je n’ai pas encore beaucoup lu Henry James (seulement Les
papiers de Jeffrey Aspern, Le tour d’écrou, Daisy Miller et Washington Square),
mais à chaque fois j’ai été séduite. Ce que j’aime chez Henry James (et que
souvent les gens n’aiment pas), c’est la façon dont il joue sur notre
frustration, sur notre incertitude et surtout combien peut s’interroger après
avoir lu l’un de ses livres et ne pas avoir du tout la même perception des
événements qu’un autre lecteur (voir mon billet sur Le tour d’écrou). Je dois
dire que Portrait de femme ne fait pas exception à la règle.
J’ai mis beaucoup de temps à lire ce livre (presque deux
ans) non pas parce qu’il ne me plaisait pas, mais parce que je l’ai commencé à
des moments où je n’avais pas forcément beaucoup de temps pour lire et je n’aime
pas laisser traîner mes lectures. De plus, je ne pouvais pas vraiment l’emmener
partout avec moi car il est quand même assez encombrant. J’ai donc lu trois
fois les 100 premières pages et je dois dire que je ne me suis jamais lassée de
les relire. Je sais que certains trouvent le style de James difficile,
personnellement je trouve que ses phrases glissent toutes seules.
Portrait de femme raconte le parcours d’Isabel Archer. Jeune
américaine, elle est invitée par sa tante en Angleterre. Isabel, éprise de
liberté et ravie de se voir donner une chance de visiter le monde, accepte avec
enthousiasme.
À son arrivée en Angleterre, elle charme tous les hommes qu’elle
rencontre : son oncle mourant, son cousin maladif et leur voisin Lord Warburton.
À tel point que celui-ci lui demande de l’épouser. Isabel refuse car elle ne l’aime
pas et elle espère autre chose de l’avenir, sans savoir précisément quoi. Un de
ses soupirants américains, Caspar Goodwood, fait la traversée pour venir lui
aussi lui demander sa main. Elle refuse de même.
Isabel n’est pas forcément le personnage le plus facile à
comprendre mais je l’ai beaucoup aimée. Intelligente, elle espère faire quelque
chose de sa vie et surtout être libre. Elle ne veut pas dépendre d’un homme et
ne veut pas épouser quelqu’un qu’elle n’aime pas. Elle va se retrouver
indépendante financièrement et ainsi pouvoir choisir sa destinée. Je pense ne
pas trop révéler de l’intrigue en disant qu’elle va faire un mauvais choix. Ce
sont les raisons de ce choix qui sont intéressantes et qui peuvent être perçues
de manières différentes. Isabel aurait-elle fait le même choix si elle n’avait
pas eu d’argent ? Est-ce l’argent qui a fait son malheur ? Ou bien est-ce son
orgueil ? Ou le fait qu’elle soit persuadée d’avoir des motifs purs et d’avoir
raison ? Est-elle vraiment responsable ou est que ce sont les autres
personnages qui l’y ont poussée ? Sa fidélité à ses idéaux force-t-elle l’admiration
ou bien n’est-ce qu’un stupide entêtement ?
Le livre s’appelle Portrait de femme mais il aurait très
bien pu s’appeler Portraits de femmes tellement les autres personnages féminins
sont intéressants.
Je pense tout d’abord la tante d’Isabel, Mrs Touchett qui
est entièrement indépendante bien que mariée. Elle ne fait que ce qu’elle
désire et passe la majorité de son temps éloignée de son mari et de son fils.
Serena Merle est aussi un autre personnage fascinant. Elle
veut donner aux autres l’impression d’être parfaite même si on sait dès le
départ qu’elle est une intrigante. Malgré tout le mal qu’elle fait, on ne peut
pas s’empêcher d’avoir pitié d’elle quand la révélation finale tombe.
Henrietta Stackpole,
la journaliste et amie d’Isabel est aussi une femme libre de par son métier.
Elle trouve d’ailleurs que les Anglais sont bien ennuyeux avec toutes leurs
règles de bienséance et jure qu’elle n’en épousera jamais, même si elle devient
très amie avec un gentleman.
Pansy Osmond est aussi un personnage très intéressant bien
qu’à l’inverse de toutes les autres femmes précédentes. Élevé dans un couvent,
elle n’a pour but que d’obéir à son père
et de satisfaire les désirs des autres. On peut d’ailleurs se demander si cela
la rend plus heureuse ou malheureuse que les autres.
Sa tante, la comtesse Gemini est elle aussi une femme à
part. Sa réputation sulfureuse fait d’elle une paria de la bonne société. Son
égoïsme fait qu’elle ne prévient pas Isabel de ce qu’elle risque.
Face à tous ces beaux portraits de femmes, je trouve que les
hommes sont un tout petit peu en reste,
ce qui fait que je ne lui ai pas donné la note de cinq sur cinq.
En relisant la première partie, j’ai trouvé que les
caractéristiques traditionnelles des hommes et des femmes de l’époque étaient
inversées. Ainsi, on commence livre avec une cérémonie du thé savourée par des
hommes qui sont souffreteux et qui échange des commérages alors que débarquent
les indépendantes et très actives Isabel et Mrs Touchett.
Ralph, le cousin d’Isabel est le personnage masculin le plus
intéressant. Quasi omniscient, il prédit presque tout ce qu’il tout ce qu’il va
se passer à une seule exception qui sera sa plus grosse erreur.
Lord Warburton, président prétendant Isabel, est lui aussi a
été assez touchant par son attachement aveugle et en même temps sa présence
amicale.
Par contre, Osmond m’a un peu déçue. Je trouve qu’on n’arrive
pas vraiment à le saisir, qu’il n’est pas assez consistant et qui n’est pas
assez présent dans le livre pour qu’on puisse le détester comme on le devrait.
Mais celui qui ne m’a vraiment pas plu est Caspar Goodwood.
Si au début on a un peu pitié de lui, son côté carpette m’a profondément
fatiguée à la fin.
Fidèle à son habitude de nous frustrer, Henry James termine
le livre en nous disant où Isabel va mais pas ce qu’elle va y faire, ce qui
peut être sujet à de nombreuses interprétations.
Je compte voir bientôt l’adaptation avec Nicole Kidman, je pense que je rajouterai un petit mot sur ce billet quand je l’aurai vue.
Julie Wolkenstein a écrit un roman, L'excuse, qui s’inspire des
personnages de Portrait de femme. Je vais enfin pouvoir le sortir de ma PAL.